Modiano évoque dans un court récit ses années de jeunesse, de 1945 – année de sa naissance, jusqu’à ses 21 ans, en 1967. Il consigne ses faits et gestes dans une sorte de CV, à titre documentaire, comme pour s’en débarrasser. “Sans doute pour en finir avec une vie qui n’était pas la mienne”, comme il le prétend (p.45).
Existence triste
Loin des confidences, confessions ou épanchement de sentiments, “Pedigree” est le rapport froid, désolant, de la vie d’un jeune homme qui attend l’âge de la majorité. Pour solde de tout compte, envers son père et sa mère, à l’égard d’une existence triste. Ce bilan final de la vie avant de devenir adulte est un terrifiant acte de liquidation.
Adolescence clandestine
L’auteur exprime la volonté d’une transparence, en opposition à une profondeur que veut le genre autobiographique. Il ne s’agit “que d’une simple pellicule de faits et gestes” (p. 45). Ainsi, le récit prend des allures de liste ou énumération de moments d’une existence, qui donne le tournis. L’enfance, puis l’adolescence de l’auteur est faite de parents désargentés, absents ou fuyants, d’adultes déserteurs. Il vit balloté comme un enfant mal aimé, mal parti, abandonné à moitié. L’enfance est triste chez Modiano, l’adolescence clandestine:
“Et de menus événements se succèdent et glissent sur vous sans y laisser beaucoup de traces. Vous avez l’impression de ne pas pouvoir vivre encore votre vie, et d’être un passager clandestin.” (p. 110)
Bon débarras
Arrivé à l’âge adulte, l’auteur peut enfin égrener ses souvenirs “sans nostalgie mais d’une voix précipitée”, et tout liquider. Bon débarras :
“Ce n’est pas ma faute si les mots se bousculent. Il faut faire vite, ou alors je n’en aurai plus le courage.” (p.82)
L’écriture fait ici office de liquidation. L’âge adulte arrive en 1967 comme une délivrance. Modiano va avoir 21 ans, et son premier livre allait paraître.
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