J. C. OATES et son mari auront vécu 47 années de mariage. Elle, écrivain renommé, professeur à l’Université de Princeton; lui, éditeur de la revue Ontario Review. La romancière se livre sans entrave, sans pudeur, dans le récit poignant de ces sombres mois qui ont suivi le décès de son époux. On compatit volontiers en la découvrant profondément humaine à l’occasion de cette épreuve. On sourit enfin quand apparaît possible une vie par la suite.
Inventaire du malheur
L’auteur ne nous épargne rien de sa souffrance, de sa déchéance. Elle décrit l’incompréhension hébétée, la volonté de savoir pourquoi, la culpabilité du survivant (pour quoi moi?). Il est aussi question de l’irréalité devant les marques de condoléances (lettres, cadeaux!), l’absurdité des procédures administratives. La romancière se fait ici la comptable de ses idées de suicide, des insomnies, la dépression, la peur d’une dépendance médicamenteuse, des phobies détestables, de folles hallucinations (les pièces fantômes de la maison), les signes du passé qui réapparaissent (un message parlé laissé par le disparu sur le télé-répondeur). Et ce temps interminable…Il s’agit bien ici d’un livre à part entière, bien plus que le seul témoignage d’une veuve éplorée, plus encore que le vibrant hommage à un cher disparu. C’est un récit fait de chair, de larmes, presque de sang.
Écrivains blessés
Lors d’un exposé, elle disserte sur l’inspiration d’auteurs célèbres:
“Les écrivains dont je parle – Samuel Beckett, les Brontë, Emily Dickinson, Ernest Hemingway, Samuel Clemmens, Eugene O’Neil, entre autres – sont des exemples brillants de gens qui ont traduit leurs blessures en art; ils ne sont pas des écrivains de génie parce qu’ils ont été blessés mais parce que blessés, ils ont été capables de transmuer leur expérience en quelque chose de riche, d’étrange, de nouveau et de merveilleux.” (p.255)
Joyce Carol OATES prouve ici qu’elle fait partie de ce cercle restreint d’écrivains. On peine à voir souffrir la veuve, même si on admire la délicieuse intimité qu’elle raconte à propos du couple qu’elle a formé avec son mari. On prend plaisir à découvrir une auteur qui joue à Joyce Carol Oates (“JCO”), la veuve qui endosse le rôle de l’écrivain quand elle se rend en classe ou quand elle participe à des rencontres littéraires. Et on se réjouit de la voir, en fin de récit, être prête à survivre. Son soulagement est alors le nôtre.—–
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