Le bleu est une couleur chaude. Chaude comme le sang qui coule dans les veines d’un adolescent.
Un garçon frêle
Damien est âgé de 16 ans. Frêle, à l’écart des autres élèves, il est battu par des étudiants bêtes et méchants. Sam vient à son aide. Plus âgé, il le prend sous son aile et l’intègre dans sa bande de garçons et filles qui aime Indochine et adoptent une allure gothique. Allure sombre, un peu efféminée, ces jeunes portent du noir autour des yeux et peignent leurs lèvres de noir. Damien se surprend à être bien en leur compagnie.
Une relation forte se développe entre Damien et Sam. Compréhension, dialogue, bienveillance caractérisent leur lien. Homosexualité latente? Damien se refuse à y croire, a fortiori lorsque son entourage le prétend. Tout s’oppose à leur relation. Les parents de Dam, surtout son père, même sa mère, lâche, ou sa sœur dédaigneuse. Le monde environnant leur est hostile. L’école aussi, une bande rivale : tout met à mal la liaison des deux jeunes gens.
Pourtant, apparaissent des adjuvants : la mère de Sam, compréhensive; un médecin, qui propose son aide.
L’écriture à coups de rasoir
Au plus fort de l’adversité, le jeune Damien se scarifie. Le cours de son existence se marque sur sa peau. Par obsession, le jeune homme se mutile, écrit sur son corps à coups de rasoir, à l’insu de tous. Jusqu’au jour… Tout s’oppose, tous se déchaînent contre lui. Son père le menace de le changer d’école. Serait-ce la fin de sa relation avec Sam?
Le récit se termine à la date anniversaire du jeune Damien, avec deux fins possibles. Au lecteur de choisir:
- un carnage à l’école, par désespoir : mourir;
- ou le faire : assumer sa différence, affirmer son existence comme un manifeste aux yeux de ses proches, vouloir être soi avec qui bon lui semble, aimer aussi.
La “vie d’Adèle” au masculin
C’est “La vie d’Adèle” au masculin. Le film du réalisateur Kéchiche a tiré la première partie de son film de la bande dessinée “Le bleu est une couleur chaude” (Julie Maroh), racontant la liaison lesbienne entre deux étudiantes.
Le récit est tout aussi attachant. Le point de vue de l’auteur est le narrateur-sujet, Damien, qui livre son histoire. On plonge dans ses réflexions, on prend connaissance d’un “langage pensé” où se mêlent dialogues, réflexions ou autres de manière ininterrompue. L’auteur adopte un ton juste, captivant, qui sert une intrigue bien menée.
Á la fin, un psychologue conseille à Damien d’écrire son histoire, au lieu de l’inscrire sur sa peau scarifiée; de délaisser les lames de rasoir, pour transcrire son récit à l’encre bleue – plus de rouge! Et cette histoire que le jeune homme s’apprête à écrire, c’est celle que nous avons lu… La boucle est bouclé.