Alcoolisme, Amérique, Bipolaire, Campus américain, Haut potentiel, Roman

L’autre qu’on adorait

Catherine CUSSET, L'Autre qu'on adorait

Thomas Bulot, professeur dans une haute école américaine, se suicide à 39 ans. Catherine, la narratrice, agrégé de lettres travaillant à Yale aux Etats-Unis, ami et ancienne amante de Thomas, raconte son parcours. Dans un récit en “tu”,  l’auteure fait le récit d’une vie marquée par des échecs universitaires, des ruptures amoureuses et une inadaptation sociale liée à un caractère bipolaire. Un récit étonnant.

Thomas et Catherine ont entretenu à l’âge de 20 ans une relation amicale, voire érotique. Leurs chemins se croisent, puis se séparent, au cours de leurs études et au gré des admissions dans des universités américaines. Mais Thomas accumule les expériences ratées, malgré une intelligence brillante, alors que son amie réussit, se marie et a des enfants. Thomas connaît de brusques accès de pessimisme absolu, de dépression aigue, comme une marée noire qui fait le vide autour de lui. La force de son désir, dans des périodes positives, emporte tout et est contraire à sa réalisation. La mort rôde comme une voisine de longue date, et son amie se révèle de faible secours.

Étonnant, le livre contient sa propre critique : l’auteur inclut le livre dans le livre, celui que la narratrice écrit et où elle retrace de manière très critique le parcours de son ami. Elle donne son manuscrit à Thomas pour lecture et commentaire. L’avis de l’intéressé est sans appel:

“J’ai pleuré, évidemment: c’est tout mon passé. Mais comment peux-tu réduire la relation à ça, Catherine?” (p. 176)

L’auteure, dans un style factuel et direct, fait preuve de peu de compassion, même si elle devient lucide en disant, à la fin du récit:

“S’il faut nous comparer, j’ai eu le temps de comprendre à quel point je t’étais inférieure, avec mon esprit rationnel et pratique. Mais au moins je fais: la page blanche ne m’arrête pas. Je n’ai pas peur de la médiocrité.” (p.290)

Cet aveu reflète bien la réalité de l’ouvrage. Le style est plat, les phrases se succèdent sans lyrisme. Le destin tragique du personnage, la situation dramatique dans laquelle l’enferme la maladie, tout laisse l’auteure presque sans réaction. Aucune empathie. Des clichés émaillent les pages du roman, des truismes confirment la médiocrité apparente du livre. Mais l’histoire ne nous lâche pas, sa lecture nous emporte. Et nous, lecteurs, éprouvons au fur et à mesure une grande sympathie envers le personnage de Thomas. Étonnant paradoxe.

 

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