Une jeune femme, danseuse de tango éperdue, nous entraîne dans son monde. Nous la suivons dans les arrière-salles de bal, aux bras d’Ezequiel, son cavalier, aux côtés de Lou et d’Alexis de Saint-Ours, danseurs confirmés.
“Avec Lou, il ne s’agit pas d’amitié. C’est une camaraderie de bagnards, d’enfermés, comme parfois au tango, de ces liens qui ne résistent pas à l’air libre.” (p.22)
Tout un monde.
Passionnément, la protagoniste s’enferme dans le tango, qui est plus qu’une danse ou une musique, mais bien tout un univers, dès le réveil et en attendant le soir. Un monde un peu glauque, dans les bas-fonds ou arrière-salles – “Le Chantier” ou “Le 9 Billards”, des réduits sales parfois, en compagnie d’acolytes qui ont des airs de truand. L’air sent le renfermé:
“L’air climatisé ne fonctionne pas, le ventilateur est décoratif.” (p.35)”Mais je suis enchaînée pieds et poings. Je respire de plus en plus et mes poumons deviennent étroits.” (p. 172)
C’est le tango – “de vivre là-dedans comme dans une fosse”. La jeune danseuse perd son emploi. Elle ne connaît plus personne en dehors. Tout s’arrête, dans une scène mi-rêvée, à peine vraie, de sang et de larmes, lorsque peut-être se révèlent le meurtre de Lou et la disparition d’Alexis. Toute une histoire.
Toute une histoire
La jeune femme quitte cet univers et s’en sort, et nous avec. Le livre peut prendre fin. Entre-temps, une histoire se révèle à nous, dans une langue un peu ivre, dans un style qui épouse les mouvements des danseurs et les airs de musique.
“L’histoire, ça dépendait, on brodait à mesure (…). Nous décidions, selon la musique et les rythmes, que tel morceau était glorieux, tel sanglant ou languissant, c’est à qui décrirait l’orage ou l’accalmie ou les grands sentiments, ou les morts qui tombent, c’était de la rêverie faite de broc, de clichés à tous crins et de souvenirs d’enfance, ça partait dans tous les sens, rien d’impossible coeur vaillant nous avons failli nous aimer.” (p. 161)
Tout un monde, en effet, toute une histoire. Un beau livre.