Dora Mar a été pour le peintre Picasso la “femme qui pleure”. Née Theodora Markovitch en 1907, elle a été la modèle et la maîtresse de l’artiste. Elle-même photographe, elle a côtoyé de nombreux artistes surréalistes avant de devenir l’inspiratrice du peintre espagnol au cours d’une vie de couple difficile.
Le portrait de l’artiste et de son modèle
Zoé VALDES fait le portrait de Dora Mar, après que Picasso l’ait peinte sous le nom de la femme qui pleure. La romancière voit en elle une artiste, maîtresse et modèle que Picasso a fait pleurer. L’écrivaine rend compte de la relation entretenue par cette femme avec son idole, son dieu : elle ne se prénomme pas pour rien Theodora…
Cette relation n’a donné lieu à aucun enfant, et a donné lieu à la soumission, l’exploitation, la destruction de la femme par l’homme. Zoé VALDES nous livre en effet un Picasso, peintre certes admiré et reconnu, mais un homme odieux, abject. C’est un individu vil, intéressé, protéiforme, monstrueux. Un ogre, un cannibale qui se nourrit de la femme au profit de son art. Dora Mar se donnait à lui, il a tout pris.
Une vie détruite, “déconstruite”
Dora Mar lui inspire de nombreux portraits abstraits, elle prend part à l’élaboration de Guernica, le chef d’œuvre du peintre. Mais il l’utilise sans merci, et la rejette. Il aime peut-être, mais détruit aussitôt, brûle et délaisse par après.
Alors que Dora Mar fréquente le monde foisonnant des surréalistes à Paris – défilent Éluard, Dali, Bataille, etc., Picasso la coupe du monde. Elle finira d’ailleurs son existence en un exil volontaire, en compagnie de James Lord, ancien amant et modèle du peintre, dans une sorte de cohabitation du souvenir.
Photographe de talent, artiste méconnue, Picasso la dénigre. Il la “détruit”, comme sur la toile il la représente “déconstruite”.
Une peinture sombre
Zoé VALDES prend le parti de parler de Dora Mar en évoquant de nombreuses fois James Lord qui a accompagné la femme dans sa retraite. L’auteur retrace par ce biais des instants de la vie commune passée par Picasso et Dora. La relation entre le peintre et son modèle est faite de domination, la maîtresse appelant son maître. Le constat qu’en fait VALDES est dur, froid; la peinture de la vie du couple, sombre. Le portrait qu’elle tire du peintre est sans appel. Le mythe Picasso est ainsi déconstruit, l’homme déconsidéré, même si son œuvre reste admirable.
“J’ai aimé Picasso, maintenant je m’arrête froidement devant son oeuvre avec admiration, sans plus. La tendresse m’a abandonnée. Pourtant, je ne peux concevoir l’art sans amour. Mais je ne ressens plus ce profond amour. Peut-être arriverai-je, avec le temps, à me réconcilier avec son œuvre.”(p.144)