Annie ERNAUX consacre ce court récit à sa soeur disparue, qu’elle n’a jamais connue. Sa famille a toujours caché la mort de sa soeur encore enfant. Secret de famille, terrible et difficile à tenir : en 1950, l’auteur apprend les faits par mégarde; la mère fait état de cette disparition au cours d’un récit qui n’était pas destiné à l’auteur.
Secrets de famille
Absente dans les mots, la disparue n’en est est que plus présente. Présence en creux, par son absence: c’est une ombre tutélaire qui est présente aux côtés de la jeune Annie.L’auteur prend la parole pour briser un secret familial; elle s’adresse à l’absente, l’autre fille de la famille.
“Et naturellement, tu as dû rôder autour de moi, m’environner de ton absence.” (p. 25)
Registre familial, typiquement féminin
Annie Ernaux s’inscrit en cela dans une tradition familiale universelle, avec “les récits mortuaires, confiés de femmes à femmes” (p. 27), sorte de “memento mori” mortifère.
“Ce sont les femmes qui tiennent le registre des enfances” (p. 29)
A fortiori celui des morts cachés, des enfances décédées. Registre macabre, livre de compte mortuaire: les femmes ont l’apanage des naissances, de l’enfance et de la mort, dont les hommes sont éloignés.L’auteur poursuit le travail de la mémoire familiale, la tradition féminine, dans la lignée (mère>fille-soeur). Elle s’en démarque tout autant. Elle voit et donne à voir la soeur qu’elle n’a pas connue, l’autre fille, décédée, cachée. La littérature est affaire de lumière, jamais d’ombre.
Livres du même auteur:
L'amour et la mort. Une femme et un homme photographient et écrivent leurs ébats; photos et écriture s'associent au nom de l'amour. Les deux amants commentent tour à tour leurs vêtements laissés là, en tas épars, dispersés, à même le sol. C'est terriblement intime, très personnel, et c'est passionna...
Annie ERNAUX écrit sur l'écriture. Ou plutôt, elle nous donne à lire son journal d'écriture. Elle nous livre la chronique disparate de son travail d'écrivaine. Au fil de la publication de ses différents ouvrages, de 1982 à 2007, nous découvrons son lent et difficile travail d'écriture. C'est presque...
Annie ERNAUX se fait "notaire" de la vie de tous les jours, de tous les gens, et écrit un "récit de vie". Elle "consigne le présent" en prenant pour cadre un hypermarché Auchan. Á la fois anthropologue ou sociologue, elle est avant tout romancière. Elle confère dans ce ...
Mémoires d'une jeune fille dérangée. Annie Ernaux replonge dans l'été de l'année 1958, du choc créé par une première relation avec un homme et du traumatisme causé pendant plus de deux ans. La jeune fille travaille comme monitrice dans une colonie de vacances pour enfants. Elle connaît là sa premièr...
Au fil des pages, alors que l’évocation du passé défile à partir des photos qui se succèdent, l’inventaire devient systématique. Ce livre est le répertoire chronologique d’une vie intime, celle de l’auteur, avec, en écho, la vie en société. C’est l’usage de la photo comme prétexte réitéré, préalable...